Comme de nombreux Ordres professionnels (Ordre des médecins, Ordre des avocats ou autres professions de droit ou de santé, etc.), l’Ordre national des pharmaciens réunit en son sein l’ensemble de la profession. C’est en effet une obligation pour un pharmacien que d’adhérer à cet Ordre national et d’en suivre les dispositions. La capacité d’exercice de tout pharmacien professionnel en dépend et cet état de fait instaure un niveau de fiabilité et de crédibilité de la profession dans toute la France.
Intéressons-nous dans un premier temps à rappeler succinctement ce qu’est l’Ordre national des pharmaciens et plus particulièrement ce qu’est sa fonction disciplinaire auprès des pharmaciens. Nous verrons alors dans quels cas l’Ordre doit intervenir en matière disciplinaire et comment cela s’imbrique avec la loi (nationale et européenne). Nous pourrons ensuite détailler ce cadre de dispositions et de procédures disciplinaires pour comprendre comment cela se déroule. La procédure disciplinaire lors d’un contentieux peut déboucher sur de nombreux scenarii que nous essayerons d’appréhender ensemble.
L’Ordre national des pharmaciens contrôle la profession
L’Ordre national des pharmaciens regroupe donc l’ensemble des pharmaciens de chaque section (A, B, C, D, E, G et H). Toutefois, quelques exceptions (tels les pharmaciens de l’armée) n’intègrent pas l’ordre pour des raisons de spécificités pointues et de doublon de cadre (un pharmacien de l’armée n’officie pas auprès du grand public et est soumis à une autorité structurelle qui lui est propre).
L’Ordre a pour missions principales de :
- promouvoir la santé du public et la qualité des soins ;
- veiller à la compétence des pharmaciens ;
- assurer la défense de l’honneur et de l’indépendance de la profession ;
- assurer le respect des devoirs professionnels.
Ces missions ont toutes pour objectif de garantir un niveau de santé élevé auprès du public. L’état de proximité entre les pharmaciens et la population (ainsi que le précieux contexte de santé qui les lie) impose une discipline rigoureuse. La santé et la sécurité du public sont alors inaliénables et l’Ordre a donc pour mission de veiller au respect de ce rapport vertueux en France.
À l’échelle européenne, l’Ordre est également impliqué dans d’autres fonctions (groupement pharmaceutique de l’Union européenne, association européenne des pharmaciens employés d’officines, association européenne des Ordres et autorités équivalentes en charge des professionnels de santé, etc.).
Les types d’infractions sous contrôle de l’Ordre des pharmaciens
L’Ordre des pharmaciens n’est pas la loi, il s’y soumet. En matière disciplinaire, l’Ordre a pour objet de s’assurer que les pharmaciens le constituant respectent leurs devoirs professionnels. Tout pharmacien peut fauter (sciemment ou non). Cette faute peut, au mieux, être sans conséquence, au pire, intenter à la santé du public. L’exercice de la pharmacie n’est donc pas sans risques et l’intérêt de l’Ordre au niveau disciplinaire réside dans la surveillance qu’il peut mener à l’échelle de toute la profession. Mais les fautes peuvent être de différentes natures et donc concerner des juridictions différentes :
- la responsabilité civile du pharmacien est celle qui prend en considération le préjudice imposé par le pharmacien (ou un de ses employés) à un tiers (lors d’un contrat par exemple). Elle relève du Code civil ;
- la responsabilité pénale est liée à une infraction (contravention, délit ou crime) qui engage la responsabilité personnelle du pharmacien et qui contrevient au Code correctionnel ou pénal ;
- la responsabilité disciplinaire est engagée lors de manquements au code de déontologie ou, dans une plus large mesure, en cas de faute disciplinaire.
L’Ordre n’étant pas une cour de justice de droit commun, il ne peut prononcer des peines ni tenir des séances en chambre relevant du droit civil ou bien du droit pénal. En revanche, les infractions à caractère disciplinaire sont de sa compétence en première instance ainsi qu’en appel. En effet, le législateur a délégué une compétence de juridictions à caractère disciplinaire à la communauté des pharmaciens par l’intermédiaire de son Ordre national.
Cela signifie que tout pharmacien relevant d’une mesure disciplinaire ou d’une faute déontologique doit répondre de ses actes et décisions auprès d’un conseil composé par ses pairs. Ces fautes appartiennent à deux catégories distinctes et relèvent toutes du Code de la santé publique.
Une faute déontologique peut se matérialiser même dans le cadre privé du pharmacien (par exemple, s’il provoque un grave accident de la circulation alors qu’il est sous l’emprise d’alcool, s’il dénigre un confrère lors d’une soirée privée, etc.). La faute disciplinaire est liée à l’exercice de la profession. Par exemple, le non-respect de la réglementation des substances vénéneuses.
Parcours de la procédure de jugement par les pairs
Que la faute soit déontologique ou disciplinaire, l’Ordre se doit d’instruire un dossier afin de pouvoir donner matière à un conseil disciplinaire. Le parcours d’une plainte de son dépôt jusqu’à sa conclusion est établi et suit une logique proche des juridictions relevant de la loi de droit commun (code pénal et civil par exemple).
Dépôt de la plainte par un pharmacien ou un particulier
Une fois la plainte déposée au niveau de l’Ordre, une période de trois mois lui succède afin d’ouvrir un temps de conciliation. Le président du conseil central ou régional (selon la section concernée) nomme un ou des conciliateurs afin de motiver les parties à parvenir à un accord amiable. En cas de succès, le conseil ne se réunit donc pas en chambre disciplinaire. Si le succès n’est que partiel ou si échec il y a, alors le conseil devra se réunir en chambre pour juger en première instance de l’objet de la plainte.
Dépôt de plainte d’une autorité sanitaire ou professionnelle
Les autorités sanitaires (CPAM) et professionnelles sont fondées à pouvoir déposer plainte à l’encontre d’un pharmacien. Dans un pareil cas, le délai de conciliation n’existe pas et le conseil concerné se réunit directement en chambre disciplinaire de première instance. Concernant la section A, c’est la chambre de discipline du conseil régional qui siège. Pour les autres sections, c’est la chambre de discipline des conseils centraux concernés.
Un magistrat de l’Ordre administratif est toujours présent en première instance aux côtés de ses pairs.
Procédure d’appel en cas de désaccord persistant
Une fois que la chambre juge de l’objet et de la faute ainsi que de la sanction, toute partie (demandeur ou défendeur) a jusqu’à un mois pour faire appel de la décision s’il estime avoir encore des griefs légitimes à faire valoir. Une procédure d’appel va donc pouvoir être formulée auprès du Conseil national de l’Ordre. Elle est présidée par un conseiller d’État et, encore une fois, composée des pairs.
Pourvoi en cassation : ultime recours
Si la décision d’appel ne satisfait toujours pas, un pourvoi en cassation peut être transmis au Conseil d’État dans les deux mois. Cette procédure ne peut que vérifier la légalité de la décision de la cour d’appel du conseil central et ne suspend aucunement les sanctions prises à cette occasion.
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